FOI ET VIE. DIVERSITÉ DES MINISTÈRES

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La diversité des ministères en Église
Le dossier de ce numéro de Foi&Vie 2021/4 souhaite proposer un cadre d’analyse et des pistes de réflexion sur les mutations à l’œuvre ou envisagées dans les Églises protestantes (luthériennes et réformées) francophones en Europe, du point de vue de la diversité des charges et fonctions exercées au sein de l’Église.

 

Si la problématique comporte une dimension théologique forte, que l’on retrouvera au fil des articles, elle est également porteuse d’enjeux qui ne sont pas propres au contexte ecclésial, mais qui peuvent être vus comme des manifestations contextuelles de questions liées à l’évolution de la société et du monde du travail, à laquelle un numéro double a récemment été consacré.

 

L’évolution d’anciens modes d’organisation vers de nouvelles répartitions des fonctions, l’apparition de nouveaux domaines d’activité et de nouveaux métiers, les effets de la globalisation sur la mixité sociale et culturelle jusqu’au sein des communautés locales et des personnes en charge de les animer, la réflexion sur le leadership et la gestion des équipes, l’incertitude et la perte de repères exprimées par certains, l’importance de travailler sur le sens de l’activité et sur le lien social, la persistance de questions d’égalité et d’inclusion, toutes ces problématiques communes au monde du travail se retrouvent au sein des Églises, dans des configurations diverses selon les contextes.

 

Les Églises issues de la Réforme du 16e siècle ont vu l’émergence et la prédominance d’un ministère en charge de l’annonce de l’Évangile, par la prédication de la parole et l’administration des sacrements. Il est généralement intitulé pasteur, d’une métaphore antique remise en valeur notamment par Zwingli. Il est doté d’une filière de formation dédiée, les études de théologie. Historiquement, jusqu’au 20e siècle, ce ministère a capté une bonne partie des responsabilités ecclésiales, nous n’y revenons pas, ce n’est pas l’objet du dossier. En revanche, les différents articles sont évidemment amenés à poser la question de l’articulation de nouveaux ministères à ceux qui existent déjà, et à l’impact que cela peut avoir pour les personnes, hommes et femmes, qui portent la fonction pastorale dans toute leur diversité.

 

Le 20e siècle a vu une première diversification majeure avec l’accession des femmes au ministère pastoral. S’il s’agit d’un fait acquis et irréversible pour les Églises qui ont franchi ce pas (3), l’impact que cela a pu avoir sur la perception des ministères constitue sans doute un objet d’étude à approfondir. L’article de Lauriane Savoy, qui conduit une recherche doctorale sur ce thème, donne la parole aux intéressées. Il peut amener le lecteur et la lectrice à s’interroger sur sa capacité à entendre des points de vue personnels différenciés et sur l’éducation du discours qui reste à faire. Est-il justifiable, par exemple, que l’on exprime encore l’idée que la parentalité a plus d’impact sur l’activité professionnelle d’une femme que sur celle d’un homme ? Cela amène l’autrice à interpeller l’institution ecclésiale dans sa responsabilité d’employeur. Pourrait-elle y exercer une fonction prophétique dans la société, par exemple en ouvrant la possibilité d’un congé de paternité d’une durée identique à celle du congé maternité ?

 

Dans les années 1970, se développent de nouvelles formes de ministères, avec la mise en place de ministères dits spécialisés tout en restant confiés à des pasteurs. À la même période, les Églises réformées de Suisse romande franchissent un nouveau pas en instituant un ministère diaconal consacré (ordonné – reconnu liturgiquement). Daniel Chèvre, actuellement en charge de la formation diaconale et de l’accompagnement des nouveaux ministres de ces Églises, lui-même diacre et formateur d’adultes, décrit les parcours et enjeux de formation ainsi que leurs évolutions récentes. Il indique qu’au sein de l’espace ecclésial romand, des orientations différentes sont données aux ministères confiés à des diacres.

 

Très récemment, l’UEPAL (Union des Églises protestantes d’Alsace-Lorraine) a à son tour ouvert la voie à une diversification des types de ministères. Bettina Schaller, actuellement en charge de la formation initiale (qui suit la formation académique), participe également à la mise en œuvre de cette diversification. Son article souligne que le processus de diversification conduit à préciser les spécificités de chaque type de ministère, à commencer par celui de pasteur. On en vient ainsi, en utilisant des langages empruntés ailleurs, à décrire un référentiel de compétences organisé autour d’un cœur de métier, défini, pour les pasteurs, comme « expertise théologique articulée à l’expérience humaine » (4), selon la formulation du document romand. Comme l’indique l’article cité, l’UEPAL a retravaillé cette description en formulant, de manière ramassée et imagée, la tâche ecclésiale et en particulier pastorale, comme devant apporter « du sens et du lien ».

 

L’EPUdF (Église protestante unie de France, Communion luthérienne et réformée) entame un débat synodal de plusieurs années sur la mission de l’Église et les ministères, qui pourrait également aboutir à une diversification. Y aura-t-il un ministère intitulé diaconal ? La Constitution toute récente de cette Église (2013) comporte en effet un article 19 qui porte le titre ‘Ministère diaconal’, mais dont l’unique phrase précise qu’il pourra être rédigé ultérieurement dans le cadre d’une procédure de révision de ladite Constitution. Olivier Brès, pasteur ayant notamment dirigé des institutions de nature diaconale, s’interroge sur la possibilité de reconnaître et d’instituer un ministère diaconal dans différents lieux, qu’ils soient paroissiaux ou associatifs, en l’articulant à d’autres formes de ministères existants ou à reconfigurer.

 

Pasteur de l’EPUdF, Christian Baccuet souligne l’importance d’inscrire la réflexion et les orientations à prendre dans un cadre œcuménique, en particulier dans les accords par lesquels cette Église est liée, à commencer par la communion de Leuenberg. Au sein de la communion d’Églises protestante en Europe (CEPE) et sur le plan mondial, les discussions ont porté également sur la question de la gouvernance et de l’épiskopè, articulant une dimension collégiale et une dimension personnelle du ministère de direction, quelle que soit la terminologie choisie pour le désigner. Cette question reste à travailler, en particulier dans la tradition réformée.

 

Le contexte contemporain de mixité sociale et culturelle au sein des Églises amène Jean Patrick Nkolo Fanga, théologien camerounais, à faire le constat que les enjeux interculturels sont générateurs d’incompréhensions et de conflits qui mettent notamment en jeu l’autorité des ministres de l’Église. Dans son article, il émet la proposition de mettre en place un ministère en charge de la médiation au sein des communautés ecclésiales, qu’il propose d’intituler ministère de réconciliation, reprenant une métaphore de l’apôtre Paul dans la seconde épître aux Corinthiens. (…)

 

(Extrait du liminaire de Nicolas Cochand)

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